La data : une formidable opportunité d’accompagner la lutte contre le décrochage scolaire

Millionroads
8 min readJul 1, 2020

Par Christophe Herlory — Responsable des relations institutionnelles chez Millionroads.

Ils étaient autour de 140 000 à décrocher en 2012. Près de 100 000 en 2017. Puis 80 000 en 2019 selon les données communément admises. Le nombre d’élèves sortis du système de formation initiale en situation de décrochage scolaire diminue d’année en année même si ce sont plusieurs centaines de milliers de jeunes de 16 à 25 ans qui sont « décrocheurs ». Et pourtant, les politiques publiques sont plus que jamais mobilisées pour offrir à tous un accès à la formation, un diplôme professionnel ou une certification ; une priorité nationale pour l’État et les collectivités qui déploient des efforts considérables pour tenter d’enrayer le phénomène avec une continuité d’action qu’il faut saluer. Mais dans le contexte actuel post crise sanitaire, où la jeunesse fait partie des populations lourdement impactées, nous pouvons nous interroger sur les effets dramatiques du décrochage chez les jeunes. La donnée sur les parcours de formation et les trajectoires professionnelles peut contribuer à l’effort collectif des acteurs, État, collectivités, partenaires, pour ne laisser personne au bord du chemin.

Le décrochage scolaire, 40 ans de lutte

Le décrochage scolaire n’est pas un phénomène nouveau. Il sévit depuis de nombreuses années et a même été très important dans les années 1970, où environ 200 000 jeunes quittaient chaque année les bancs de l’école sans aucun diplôme en poche. Mais il n’avait pas le même impact qu’aujourd’hui. Car à cette époque, la France connaissait le plein emploi et ne considérait pas le décrochage comme un danger potentiel. Les élèves non diplômés rejoignaient facilement la main d’œuvre peu qualifiée du pays et trouvaient du travail dans les secteurs industriel ou agricole.

C’est à la fin des années 1970, dans un contexte de crise aggravée avec l’augmentation du chômage, la diminution des emplois agricoles et le développement du secteur tertiaire, puis l’émergence de nouvelles technologies, de nouveaux métiers… que la jeunesse devient une véritable préoccupation politique. La France entre dans une société dite de l’information et de la connaissance, et le diplôme est une condition d’accès indispensable au marché du travail.

Les politiques éducatives tentent d’accompagner cette transformation drastique de la société en faisant de la réussite scolaire un enjeu prioritaire d’intégration économique. On le constate, par exemple, dans la sphère de l’Éducation nationale avec la création de la Mission générale d’insertion (MGI) dans les années 1980 — renommée en 2013 Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) et la stratégie de Lisbonne en 2000 au niveau européen. Depuis une dizaine d’années, les politiques mises en place s’inscrivent dans une forme de continuité heureuse avec le plan d’aide à la jeunesse sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2010, le déploiement du plan de lutte contre le décrochage scolaire de 2015 et l’instauration du droit au retour en formation. La période de formation obligatoire pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans, dont l’entrée en vigueur se fera en septembre 2020, s’inscrit dans cette dynamique au long cours. Cette disposition souligne la nécessité absolue de mieux accompagner cette partie de la jeunesse, particulièrement vulnérable en dehors de la relative protection que constitue le droit à l’instruction obligatoire. Elle doit être perçue comme une formidable opportunité d’émancipation qui permet d’emprunter des « chemins de traverse », d’identifier des « passerelles » entre les formations, de développer ses compétences pour être en capacité de se projeter vers l’avenir, d’élever son niveau de qualification et d’accéder à l’emploi.

Les effets de ces politiques publiques de lutte contre le décrochage scolaire ont permis de faire progresser la capacité du système de formation initiale à prévenir l’abandon scolaire précoce et à faciliter le retour en formation. Néanmoins, de nombreux jeunes ne souhaitent pas poursuivre leur parcours dans la voie d’orientation initialement choisie. Sans oublier les jeunes « décrocheurs » qui continuent encore chaque année de sortir du système de formation initiale, sans diplôme ni qualification.

L’urgence post confinement

S’il est encore trop tôt pour évaluer les dégâts réels du confinement en matière de décrochage scolaire, il n’est pas déraisonnable d’affirmer que la crise sanitaire de 2020 aura eu des conséquences relativement lourdes, notamment auprès des élèves les plus fragiles et les plus précaires. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation et de la Jeunesse, estime le 22 juin 2020 à 500 000 le nombre d’élèves ayant perdu le contact avec leurs enseignants. La complexité inhérente au repérage des décrocheurs s’ajoute au contexte si particulier de la crise sanitaire. L’impact du confinement se mesurera dans le temps pour les élèves qui, soumis à l’instruction obligatoire, reprennent d’ores et déjà le chemin de l’école et qui seront présents en septembre dans les établissements. Mais une première vague se dessine avec certitude et sera probablement largement nourrie par les jeunes issus de la voie professionnelle qui constituent peu ou prou près de la moitié du flux de décrocheurs chaque année. Les jeunes de 16 à 18 ans forment eux aussi un contingent traditionnellement important de ce flux et risquent d’être extrêmement nombreux cet automne. Ce diagnostic ne prend par ailleurs pas en compte la situation des étudiants les plus précaires ni le phénomène du décrochage dans le supérieur.

L’école à distance mise en place pendant le confinement n’a fait qu’accentuer les inégalités sociales entre les élèves en mettant en exergue des conditions moins avantageuses pour poursuivre leur scolarité au domicile familial. Dans ce contexte où le numérique devient le principal canal d’échange, on constate par exemple un taux d’équipement inégal entre les élèves, certains n’ayant pas accès à un ordinateur, ni même à Internet. Le rôle des parents dans l’accompagnement aux devoirs se renforce, devient crucial même, pour permettre d’assurer la continuité pédagogique. Or, on sait que tous ne possèdent pas les compétences ni les ressources suffisantes pour organiser l’apprentissage de leurs enfants à domicile. Autre exemple, les familles qui sont traditionnellement accompagnées dans les choix d’orientation à l’issue de la 3ème se sont retrouvées isolées et les impacts en matière d’échec scolaire pour certains élèves ne seront probablement pas négligeables. Ces inégalités s’inscrivent également dans une dimension territoriale : les QPV (Quartiers prioritaires de la politique de la ville) et les territoires ruraux seront probablement davantage concernés par l’impact du confinement.

eCarto, l’observatoire des territoires numériques éducatifs

Malgré le volontarisme du milieu éducatif et la mobilisation du corps enseignant, il se dessine donc aujourd’hui une situation à caractère d’urgence pour ces jeunes sur la brèche qui, sortis des radars de l’Éducation nationale, seront sans solution à la rentrée 2020. Une urgence aussi bien sur le plan social que sur le plan législatif et à laquelle nous sommes collectivement tenus de répondre sans délai pour limiter les dommages collatéraux lors de la prochaine rentrée. Même si l’accompagnement des décrocheurs était déjà fléché par le gouvernement comme un de ces fameux Objets de la Vie Quotidienne, les derniers mois renforcent encore un peu plus l’impérieuse priorité que représente notre jeunesse.

Les données, nouvelles alliées des acteurs de l’éducation et de l’accompagnement des jeunes

Dans ce contexte « anxiogène » lié à l’absence de certitude quant à la pérennité des métiers existants, marqué par l’émergence de secteurs d’activité en pleine évolution, il apparaît primordial de soutenir de façon conjointe le processus d’orientation, mais aussi la formation continuée des jeunes tout au long de la vie. De nombreux dispositifs existent déjà, et de façon tout à fait complémentaire, pour renforcer la formation, tels que le service civique, la garantie jeunes, le PACEA ou encore les aides à l’apprentissage ou à la recherche de stages. À cela s’ajoute l’exploitation intelligente des données qui offre une approche inédite en matière d’orientation des jeunes. C’est là toute la puissance du GPS simulateur de carrières, l’outil « compagnon » développé par Millionroads, qui permet de restituer des données essentielles, actualisées en temps réel, sur une seule et même plateforme. Il devient ainsi très facile pour un jeune d’accéder à l’ensemble des solutions existantes pour se former selon sa situation et ses envies, et de bénéficier d’une vision élargie, ancrée dans la réalité, des trajectoires qui lui sont accessibles.

Le traitement des données par l’intelligence artificielle constitue, de fait, un formidable levier pour faciliter l’éclairage des choix des individus en matière d’orientation professionnelle. Lever les obstacles générés par l’autocensure, identifier des voies d’accès à l’emploi originales et audacieuses, questionner les limites des représentations sont autant de possibilités permises par un traitement intelligent de la « donnée ». Nous avons aujourd’hui la capacité incroyable de pouvoir traiter, analyser et consolider un très grand nombre de données disponibles pour en tirer des informations à forte valeur ajoutée. Une avancée technologique que nous devons mettre au service des jeunes, des familles et des territoires pour ouvrir le champ des possibles en matière de trajectoires professionnelles, décloisonner les silos du système éducatif et permettre à chacun de trouver sa voie dans une société qui bouge.

« Tous les chemins mènent à Rome » : une cartographie interactive — © Roads to Rome

Avec le GPS Connecter, Millionroads offre la possibilité à chaque individu de gagner du temps, d’éclairer ses choix professionnels, de limiter les zones d’incertitude, mais aussi de retrouver confiance en soi. Conçu sous la forme d’une carte intelligente et intuitive, il donne l’opportunité aux jeunes de visualiser en temps réel les trajectoires scolaires et professionnelles les plus pertinentes selon leurs profils et leurs souhaits d’orientation et de formation.

Bien entendu, cet outil « compagnon » n’a pas vocation à exister par lui seul. Il vient, au contraire, renforcer et accompagner les politiques et dispositifs déployés par l’ensemble des acteurs mobilisés autour de la formation et de l’insertion des jeunes. L’actuel « service public régional d’orientation tout au long de la vie » (SPRO), la mise en œuvre du « Service Public d’Insertion » (SPI) pour les jeunes à partir de 18 ans et le « Service public de l’Emploi » (SPE), la loi du 5 septembre 2018 ou bien encore le Service National Universel constituent des cadres institutionnels nouveaux qui devraient permettre de renforcer l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et la qualification. En s’y associant, l’outil « compagnon » peut devenir un vecteur d’émancipation mis au service des « professionnels » et contribuer à faciliter la mise en œuvre des politiques publiques centrées sur la formation et l’insertion des jeunes. Les dynamiques à l’œuvre sur les territoires autour de la promotion de l’apprentissage, la création des Cités éducatives, le développement toujours plus encouragé des Campus des Métiers et Qualifications ou bien encore les offres de formation des Plans Régionaux d’Investissement dans les Compétences formulent un cadre où la donnée sur les parcours réels devient un horizon pour les publics.

Ainsi, la lutte contre le décrochage scolaire et plus globalement la mise en place d’une politique jeunesse réussie sont-elles garantes d’une gouvernance partagée entre l’État et les régions, mais également avec les partenaires au niveau le plus local. Le GPS et l’exploitation des données offrent une réponse pertinente pour apporter de la lisibilité aux publics et aux acteurs qui les accompagnent. Mieux encore, ils contribuent à donner aux jeunes, trop souvent « désorientés » et « livrés à eux-mêmes », la liberté de pensée et de jugement pour construire leur avenir avec davantage de sérénité.

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